Le dernier dimanche de juin 1991 s’achève le second Forum de Crans Montana et la Conférence sur la Coopération de la Mer Noire organisée à cette occasion.
La Bulgarie est représentée par Dimitar Popov, Premier Ministre. Il me présente une requête : visiter, à l'occasion de sa venue en Suisse, le Liechtenstein. Le Prince Hans Adam II, Prince Souverain, fidèle à son hospitalité, accepte d'emblée d'organiser un déjeuner privé en son Schloss Vaduz pour y accueillir Dimitar Popov.
Le lundi matin, un long cortège de voitures, escorté par la police cantonale du Valais, prend la route et parvient à Vaduz au terme d'un voyage de quatre heures.
Accéder à Vaduz n'est pas chose simple. La Principauté du Liechtenstein se trouve aux confins de la Suisse, de l'Allemagne et de l'Autriche. Le chemin de fer suisse n'y arrive pas. Il n'y a pas d'aéroport mais un simple héliport. Seules les autoroutes permettent d'y parvenir confortablement. La capitale Vaduz est une petite ville nichée au pied de la montagne, non loin du Rhin qui s'étire en formant une frontière naturelle avec la Suisse. Sur les premiers contreforts, se situe le château, résidence du Prince Souverain, qui domine la ville et la vallée et semble veiller au calme proverbial de ce pays.
Introduit en avant-garde au château, le chef du protocole bulgare découvre avec intérêt les préparatifs du maître des lieux. Lorsqu'il demande la listes des convives du Liechtenstein, il lui est précisé, outre les indispensables personnalités locales, la présence du cousin de Son Altesse, « Sa Majesté le Roi Siméon de Bulgarie, particulièrement intéressé à rencontrer votre Premier Ministre. Puisqu’il s'agit d'un dîner privé offert par un Chef d'Etat, Son Altesse a choisi ses invités".
Minute d'affolement.
Il s’agit d’informer d’urgence le Premier Ministre bulgare qui attend toujours dans sa voiture. Et là, c'est l'incident !
Sans préavis ni salutations, le cortège repart tout de go vers Zurich ! Le Gouvernement démocratique de la Bulgarie traite ainsi le roi Siméon qui, il faut bien le dire, n'a jamais démérité !
Il traite aussi de manière inattendue un homme de qualité, le Prince Hans Adam, qui n'avait rien demandé et pensait encore pouvoir décider de ce qui se passait chez lui.
Deux morales sont à retenir de cette histoire : le Prince Hans Adam a confirmé une fois de plus la justesse de sa vision politique car il avait, avec dix ans d'avance, envisagé de présenter à Popov celui qui, finalement, serait bientôt son successeur.
Par ailleurs, on peut être Premier Ministre et manquer de l'intelligence politique et du tact les plus élémentaires.
A Sofia la presse se déchaîne sur l'incident, accusant Popov d’un manque total de lucidité diplomatique et le Forum de complot.
Le temps de la démocratie était-il vraiment venu ?