Des représentants de sept pays du sud de l’Union Européenne se sont réunis à Athènes, le 9 septembre 2016, dans le but de s’accorder sur une position migratoire et budgétaire commune.

Une manière claire d’influer, par une action de « groupe », sur le sommet européen qui doit suivre dans quelques jours. L’initiative peut surprendre. Elle a, quoi qu’il en soit, cristallisé des divergences dangereuses, provoqué des prises de position, des attitudes et des mots acerbes, révélateurs d’une rupture psychologique profonde entre ceux qui devraient être unis, dont les conséquences peuvent être lourdes dans le futur.

Y-a-t-il toujours en Europe cet affectio societatis sans lequel l’Union ne saurait exister ? L’impact du BREXIT n’est-il pas finalement mortifère ?
Lors de cette rencontre, les pays du sud de l’Union Européenne (Grèce, Portugal, Espagne, Chypre et Malte) auxquels s’étaient joints la France et l’Italie, pensent avoir trouvé le moyen d’aborder en rangs serrés le prochain sommet européen de Slovaquie afin de (1) susciter la croissance, de (2) stimuler la mise en œuvre d’une vraie « Europe sociale » et de (3) partager équitablement la charge migratoire qui pèse de plus en plus sur la cohésion européenne.

C’est ainsi qu’a été adoptée une "Déclaration d’Athènes" prévoyant, pour l’instant seulement, de soutenir un doublement du plan Juncker d’investissements mais qui fait bien figure d’assaut coordonné contre l’establishment historique de Bruxelles.
Le premier ministre grec a déclaré que « les participants au mini-sommet avaient en commun d'avoir été frappés à la fois d'une manière disproportionnée par la crise économique et la crise migratoire (…) et d'être frontaliers de la zone déstabilisée du Maghreb et du Moyen Orient ».
L’Allemagne n’a pas véritablement goûté cette rencontre d’Athènes qui s’est tenue au même moment qu’une réunion de l’Euro-groupe au cours de laquelle, précisément, la Grèce était rappelée à l'ordre pour le retard pris dans la mise en œuvre des réformes exigées par ses créanciers en contrepartie du troisième plan d'aide financière !
De manière inhabituelle et surprenante, le président de l'Euro-groupe, le Néerlandais M. J. Dijsselbloem, a enjoint Athènes de "ranger son matériel de camping car l'été est terminé". Notons avec intérêt que le langage diplomatique évolue...
Le ministre des Finances allemand, M. Wolfgang Schäuble, quant à lui, a surenchéri : "quand les dirigeants de partis socialistes se rencontrent, la plupart du temps, il n'en sort pas quelque chose de terriblement intelligent".
Le sommet euro-méditerranéen est donc clairement perçu comme une offensive grecque d'assez grande envergure, béneficiant de sucroît du soutien de deux des pays fondateurs de l’Union !
Alors que l'Europe est largement divisée après le BREXIT, que l'opposition Est-Ouest s'accentue avec le groupe de VISEGRAD emmené par la Hongrie et la Pologne, ce sommet d’Athènes relance la division entre le Sud et le Nord de l’Union.
Le premier ministre grec s’en défend et affirme au journal Le Monde : « Nous sommes des pays dans l'oeil du cyclone à la fois sur la crise des réfugiés, la crise sécuritaire, le terrorisme et la crise économique. Nous avons aujourd'hui un Nord qui accumule les excédents et un Sud qui souffre de lourds déficits. Il n'y a pas de convergence européenne lorsque de telles disparités existent. La discussion sur le futur de l'Europe ne peut pas être confisquée par le groupe de VISEGRAD. Je respecte leurs opinions, mais l'Europe est une Europe à vingt-sept. Il y a un déficit social qui permet à des personnalités marginales, à des racistes, de devenir des faiseurs de beau temps en Europe. Je pense que continuer, après le BREXIT, à faire comme si de rien n'était serait une erreur tragique. L'Europe vit une crise profonde, elle est comme un somnambule qui marche vers la falaise. Il est temps de tirer la sonnette d'alarme. Si nous continuons à construire une Europe forteresse avec plus de sécurité policière, l'échec sera total ».
Au-delà de la confrontation des stratégies et des idées, ces événements du week-end, la vigueur des mots prononcés, les réactions brutales, la pression populaire chez les pays menacés, annoncent des jours malheureusement très sombres.
L’Europe doit aller vers « plus d’Europe » mais le mouvement semble arrêté. L’ouverture de débats agressifs sur la place publique et les mauvais mots qui sont faits pour blesser ne permettront certainement pas de progresser.
En cela M. Tsipras pourrait avoir raison : l’Europe est menacée de décomposition…
On est bien loin de la signature du Traité de Rome...
Ces problèmes qui se posent aujourd'hui sur le plan politique pourraient être considérés comme conjoncturels s'ils ne s'accompagnaient, dans d'autres domaines, de dérives nationales destructrices de la notion même d'Europe, de son image et de sa crédibilité internationale.
On peut en effet constater, depuis quelques années, un affaiblissement quasi pathologique du pouvoir central de Bruxelles vis à vis de politiques nationales bien loin de l'esprit fondateur de l'Europe. Des politiques en opposition frontale avec cette éthique comportementale qui devrait être le dénominateur commun à chaque Etat-membre.
C'est ainsi que montent en puissance ça et là, de manière inquiétante, des stratégies incroyables pour une Union Européenne qui se devrait d'être vertueuse et de veiller à une convergence positive des politiques nationales. Comment Bruxelles peut elle alors espérer intervenir dans les choix de la Suisse, par exemple, si stricte dans tant de domaines, alors qu'il y a tant à faire chez elle ?
EXEMPLE : alors qu'il est si difficile d'entrer, de circuler et de s'établir dans l'espace européen, même pour des personnes réputées de qualité, alors qu'on distribue au compte-gouttes ces fameux visas Schengen, Malte vend ses passeports ! C'est ainsi que certains peuvent obtenir, contre de l'argent et en dehors du système de Contrôle Schengen, un droit perpétuel d'entrée, de circulation et d'établissement sur tout le territoire des 27 !
Voici une publicité parmi de nombreuses autres parues notamment sur Internet:

Il suffit en effet, à La Valette, d'avoir 650.000 Euros pour obtenir la nationalité et un passeport qui au delà du fait d'être maltais est d'abord (!) un passeport européen...

Vous achetez (il faut bien appeler un chat un chat) votre passeport à Malte et vous pouvez instantanément vous installer, dès le lendemain, à Rome, Paris, Madrid ou Berlin ! Vous y vivrez, travaillerez, bénéficierez des avantages sociaux etc.
Un gouvernement a donc décidé unilatéralement que sa citoyenneté (maltaise en l'occurrence) serait désormais en vente. Des sociétés privées de marketing sont chargées de trouver les clients, en Chine, en Irak, au Viet Nam et ailleurs. Elles s'activent.
Le problème est que, devenant maltais, l'heureux client devient ipso-facto Européen ! Les Autorités européennes tolèrent cela. La Commission est parfaitement au courant. Voilà matière à réflexion.
Il est sûr que l'effet de telles initiatives sera identique à celui des eaux qui sapent peu à peu les fondations de Venise... L'effet destructeur peut devenir incontrôlable ! Cela porte atteinte à la crédibilité du pouvoir central européen et ne contribue pas à la cohésion espérée de l'Union!
J'ai rendu visite au Premier Ministre, travailliste, de Malte et lui ai fait part de ma préoccupation. Il fallait que je le dise...

Le Premier Ministre maltais, M. Joseph Muscat reçoit l'Amb. Jean-Paul Carteron à l'Auberge de Castille, siège du gouvernement de l'île.