Juillet 1966 - C'est à vingt ans, alors que je suis étudiant que je me trouve lancé sur une trajectoire inimaginable, provincial peu instruit de la chose politique, surtout internationale... Je vais rencontrer un monstre sacré, non seulement du moment mais de l'Histoire du monde !
Je suis l'invité personnel, en Egypte, pour le temps que je veux - je limiterai mon voyage à deux semaines - de Gamal Abdel Nasser, deuxième président de l'Égypte post Farouk. Je vais rencontrer celui qui est à l'origine de l'idéologie que l'on appellera "nassérienne", l'un des plus grands meneurs d'hommes et de peuples du monde arabe.
Invité par le Président Nasser à visiter l'Egypte en juillet 1966, je décide de m’y rendre en bateau afin de faire durer le plaisir. On m'a en effet laissé le choix du moyen de transport. C'est ainsi que je reçois par l'ambassade à Paris, un billet de Première Classe sur un paquebot de la compagnie « Hellenic Mediterranean Lines », partant de Marseille à destination d'Alexandrie, via Gênes, Naples et Le Pirée. J’en profite pour faire le périple avec deux camarades de faculté. Pour ce faire, je change mon billet de « première classe » contre trois passages en « classe pont » afin de financer le voyage de mes amis qui sont dans la même situation financière que moi.
Voyager en « classe pont » c'est disposer, pour tout confort, d'une chaise longue sur le pont réservé aux étudiants et passagers peu argentés. Elle devra servir de siège pendant la journée et de couchette la nuit. La chaise longue est disposée près des canots de sauvetage. Il faut être prudent quand la mer bouge car on peut glisser sous le canot et tomber dans l'eau. Il faut s’approprier cette chaise longue de haute volée à l’embarquement car il y en a très peu et savoir la garder tout au long des escales même s'il faut descendre à terre acheter quelques tomates pour se nourrir. Nous vivons toutefois ce voyage comme un rêve, même si de vraies douches nous manquent. Nous imaginons alors, la nuit tombée, de troquer nos maillots de bain contre le costume que nous gardons précieusement dans une valise afin de passer discrètement en Première Classe. Après nous y être faufilés, nous nous dirigeons vers une salle de bain commune que nous avons localisée dans le couloir des Premières et y prenons une douche paradisiaque après une journée de soleil et d'air salé. Ensuite, de nouveau revêtus de nos costumes nous gagnons le bar des premières pour y savourer un Martini avant de regagner notre pont, nous changer à nouveau et nous glisser dans nos sacs de couchage.
C'est au bar des Premières que je fais alors la connaissance du Consul Général de France à Beyrouth, un certain Santi. Sa conversation - il a trouvé en nous la petite cour qui semble lui être nécessaire - légitime notre présence en cet endroit exclusif et réservé. Nous passons ainsi des heures à écouter ses péroraisons ... en buvant sur son compte. Il refait le monde à lui tout seul. Car l’arrogant personnage a entrepris de nous impressionner. Il se prend pour l’un des grands décideurs de la planète alors qu'en réalité il passe sa vie à tamponner des passeports. Nous entrons dans son jeu car sans lui on finirait par nous repérer dans cette Première classe. Il nous explique devoir faire escale en Egypte pour "rencontrer des personnalités très importantes que le secret diplomatique lui interditde nommer !" Il insiste plusieurs fois sur les honneurs qui lui seront faits lors de son arrivée et les conditions tout à fait exceptionnelles qui seront celles de son accueil officiel. Soir après soir, nous lui donnons l'impression de boire ses paroles : il règle l'addition comme prix de notre attention soutenue, ce qui nous arrange parfaitement car nous sommes partis chacun avec un seul billet de 500 francs...
A l’aube, je suis réveillé très tôt par la chaleur intense du soleil sur le pont qui transforme en fours nos sacs de couchage. Le navire file doucement vers la baie embrumée d'Alexandrie. A l'approche du port, une vedette, à bord de laquelle se tiennent trois officiers en uniformes blancs, vient s'amarrer à l'échelle de coupée du paquebot. En haut de cette échelle, j’aperçois le Consul Général de France, Panama sur la tête, qui s'agite avec sa famille au grand complet et ses malles Vuitton. L'homme espère bien que l’ensemble des passagers goûtera à son arrivée de VIP et appréciera les faveurs qu’il estime lui être dues. Pendant ce temps, mes amis et moi réchauffons, sur notre Butagaz de camping, l’indispensable Nescafé du matin.
C'est alors que retentit soudain dans les mauvais haut-parleurs du pont, au milieu de grésillements intenses, avec un accent grec indescriptible, l'appel : "MonssiéZan-Pol, Monssié Zan-Pol il est demandé au bureau du Kômmissaire !". Je réalise brutalement que ceci me concerne. Je me précipite auprès du Commissaire. Celui-ci me dit de me dépêcher, la vedette militaire tanguant dangereusement en contrebas m'étant visiblement destinée. En cinq minutes, je me retrouve en costume et, ma valise à la main, les adieux faits à mes amis – ils continuent sur Beyrouth où ils m’attendront car ils ne sont pas invités en Egypte -, je passe devant un Consul de France médusé et défait, sa famille au grand complet et ses bagages luxueux parfaitement alignés. Il lui faudra patienter jusqu’au port pour débarquer en faisant la queue comme les autres. Rien de grave. Hormis peut-être pour son arrogante fierté.
Je vais vivre, durant deux semaines, un voyage étonnant et inhabituel pour un étudiant démuni. Escorté par le Recteur de l'Université d'Alexandrie, je visite le Caire, remonte en train la vallée du Nil jusqu'à Aswan puis en hydroglisseur jusqu'à Abu Simbel. Je me rends à Gaza qui, en 1966, est encore égyptienne... un extraordinaire voyage !
Je dormirai deux nuits dans le palais de Nasser à Héliopolis qui m’y invite.
Le Président Gamal Abdel Nasser - un moment de détente dans son jardin de Héliopolis
Il se montre très paternel et comme attendri. Prenant son petit-déjeuner à l'aube, j'y assiste un matin. Dès son café, l’homme fume cigarette sur cigarette jusqu'à la nuit. Son aide de camp, qui ne le quitte pas d'une semelle, a les poches remplies de paquets de LM sur lesquelles figure une sorte de bouquet de fleurs. Le soir, il parle avec quelques invités dans son salon, le Maréchal Amer, son plus vieil ami est là.
23 juillet 1966 - J’accompagne, sur sa proposition, le Président Nasser au Cairo Stadium pour l'Anniversaire de la Révolution, devenu Fête nationale. Nous filons dans un convoi impressionnant vers le stade comble, une immense enceinte où se tiennent déjà des dizaines de milliers de jeunes et d'invités dans les tribunes. La pelouse est la scène où se produiront des heures durant gymnastes, danseurs, soldats et enfants tandis que sur les gradins faisant face à la tribune officielle, des centaines de jeunes manipulant des panneaux multicolores donneront forme à des tableaux, des messages, des drapeaux. C'est impressionnant et terriblement totalitaire. Nasser est heureux et deux ou trois fois tapotera le sommet de ma main. Il rayonne de ce sourire remarquable, unique et envoûtant qui marquera tous ceux qui l’ont approché.
A Alexandrie, je visite le Palais de Mountaza, dernière résidence du Roi Farouk avant son départ en exil lors de la Révolution. Tout a été gardé en l'état. Le lit défait, le tube de dentifrice dans la salle de bain, les costumes dans les penderies. Je loge dans la résidence attenante au bâtiment principal du Palais. C'est là que je fais la rencontre de Yasser Arafat, alors en Egypte pour se reposer. Le début d'une longue amitié, sporadique les premières années, mais indéfectible. Je n'imagine pas alors tout ce que représentera cet homme dans les années à venir.
Dix jours plus tard, de retour de haute Egypte, le protocole s’apprête à me reconduire à Port-Saïd d’où j’embarquerai pour Limassol et Beyrouth où m'attendent mes deux amis. Le Président Nasser me reçoit pour me saluer avant mon départ. Soudainement, alors que nous parlons de tout ce que j'ai vu, il s’empourpre, se tourne vers le Ministre de la Culture et s'adresse à lui en Arabe. L'échange est bref et vif. Les yeux de Nasser roulent un instant et le Ministre désemparé se tourne vers moi : "Nous avons omis de vous présenter le son et lumière des Pyramides. Cet oubli sera réparé dès ce soir !" Je prends congé de mon hôte à regret car ce que le jeune étudiant savoyard, encore totalement ignorant de la politique a senti de lui était chaleureux et agréable. Je ne le reverrai jamais.
Me voilà donc transporté aux Pyramides pour assister à un spectacle magnifique et inoubliable. Chaque nuit, il est présenté dans une langue différente. Ce soir-là il est prévu qu’il se tienne en Anglais. Mais sur ordre de la Présidence, le spectacle sera donné en Français. Spécialement pour moi… cela devient hallucinant et parfaitement gênant. D’autant que je vois des centaines de touristes anglophones furieux faire la queue pour être remboursés. Débarquant à Alexandrie, ils découvrent en effet les pyramides puis le son et lumières à l'occasion de leur seule nuit au Caire, avant de repartir pour Port-Saïd pour reprendre leur bateau ! On comprend aisément leur colère et leur déception. Je m’en sens à la fois coupable et impressionné. Finalement, je serai seul - avec deux gardes du corps - pour assister à ce spectacle incomparable. Sa beauté et son intensité me rendent encore plus isolé au milieu de ce millier de chaises désertées...
J'ai ainsi connu le Colonel Nasser, fils de petit fonctionnaire égyptien, qui avait 48 ans lorsqu'il m'accueillit au Caire. A l'âge de 16 ans déjà, il me le confiera un soir où pétrifié devant l'instant, je l'écoutais me parler dans son salon, il avait fait de la prison après des combats de rues avec la police. Il obtint son diplôme de l'Académie militaire et participa à la guerre de 1948. Il y sera blessé. Nommé colonel - cela restera son titre pour l'Histoire - il devient le chef du Mouvement des Officiers libres qui rassemblait de jeunes militaires brillants, diplômés et décidés à renverser le roi Farouk.
C'est le 23 juillet 1952 que Nasser fait son coup d'État militaire. Il proclame la république quelques mois plus tard. Le pays sera alors gouverné par un groupe d'officiers sous ses ordres. Mais dès 1954, les choses se gâtent entre lui et le général Naguib. Il le fait arrêter et prend la direction des événements. Environ deux ans plus tard il organise les premières élections présidentielles, se trouve être le seul candidat, et devient tout naturellement le Chef de l'Etat.
C'est dès lors un tourbillon de réformes accélérées, souvent violentes et injustes, que va connaître le pays à commencer par la centralisation de l'état, l'accroissement des pouvoirs du chef de l'état, la nationalisation rapide de l'industrie, une réforme agraire assez brutale, le lancement de grands travaux, comme, réalisation qui marquera l'histoire du monde, l'immense barrage d'Assouan.
Au cours des moments que je passerai avec lui, Nasser me parlera beaucoup de ce barrage d'Assouan dont la construction commença en 1960 pour n'être véritablement terminée qu'en 1971. C'est en effet Sadate et Khrouchtchev qui présidèrent à l'inauguration définitive , quelques mois seulement après la mort du Colonel.
En 1966, date de mon séjour en Egypte, la construction était fort avancée et de l'eau jaillissait déjà en contrebas de cette construction pharaonique du XXème siècle. Dans les rues d'Assouan je pus voir, à mon arrivée à la gare et dans toutes les rues, des milliers d'affiches, ornées de deux portraits, célébrant l'amitié entre Nasser et Khrouchtchev qui seule avait permis la réalisation du projet.
En effet, comme me l'expliquera le Président Nasser, l'économie agricole de l'Égypte dépendait entièrement des crues du Nil qui déposaient sur les berges du Nil les nutriments nécessaires à l'enrichissement des surfaces agricoles. Certaines années, le pays faisait face à de très fortes crues, d'autres années des crues trop faibles entrainaient jusqu'à la famine. Le premier barrage d'Assouan construit par les Anglais et inauguré en 1902 montrait, année après année son incapacité à réguler les eaux du fleuve.
L'idée de Nasser fut de construire un plus grand barrage, en amont qui permettrait d'atteindre trois buts : faciliter la navigation régulière sur le Nil, assurer la production électrique et mobiliser les ressources en eau nécessaires à l'irrigation des terres. Grâce à l'énergie produite, on pourrait aussi alimenter des usines produisant les engrais qui compenseraient les pertes résultant de la disparition des crues.
Le projet de cet immense barrage, à une dizaine de kilomètres en amont d'Assouan fut lancé dès 1954. Le soir, dans la belle chambre des invités qui m'avait été attribuée, comme un étudiant attentif et studieux, je notais tout ce qu'il venait de me dire. Les rares instant où nous nous trouvâmes en tête à tête, il me parla beaucoup et longuement tout en se parlant à lui-même : "Les Américains et les Anglais n'ont rien compris et ne comprendront jamais rien à ce qui se passe dans le monde arabe et à ce que sont les Arabes. Ils nous traitent comme des singes. Ils s'imaginent qu'il peuvent nous imposer leurs vues, nous dicter notre politique étrangère alors qu'eux-mêmes n'ont jamais été capables d'en élaborer une qui soit cohérente. Ils n'ont à la bouche que le mot sécurité et la planète doit se plier à cette conception colonialiste qu'ils se font du monde. Moi, au départ, je n'avais rien contre le fait de les associer au barrage bien que je me sois toujours battu contre l'emprise étrangère sur le monde arabe. En fait je ne pouvais rien faire sans leur argent. Ils auraient pu nous aider. Ils auraient pu restaurer dans la région une influence qui battait de l'aile. Mais moi je voulais reconnaître la Chine, cela faisait partie de ma vision du monde - d'ailleurs prémonitoire ! - et lorsque je l'annonçais en 1956, je me suis retrouvé tout seul avec mon barrage... Et puis le contexte était mauvais, les raids menés par les palestiniens sur le territoire israélien s'intensifiaient... J'ai un instant perdu quelque peu la main et j'ai dû réagir pour réaffirmer la souveraineté de l'Egypte. J'aurais aimé que tu sois là, à Alexandrie, le soir où j'ai annoncé la nationalisation du canal de Suez ! - il se lève de son fauteuil - Que croyaient-ils ? Qu'ils allaient ainsi encaisser pendant des siècles la fortune que représentent les droits de passage alors que nous serions là à les applaudir ? La décision de nationaliser restera pour toujours la marque de Nasser ! C'est d'ailleurs là que j'ai trouvé les fonds nécessaires pour Assouan puis les Soviétiques ont sauté sur l'occasion et ils ont complété ce qui manquait. Par contre, lorsqu'ils m'ont envoyé près de 500 ingénieurs et techniciens, on n'a pas pensé ici que ces gens là qui étaient des Experts en barrages n'avaient jamais eu à tenir compte de l'évaporation ! Car chez eux il fait froid. Notre barrage ne sera jamais vraiment plein car à un certain niveau, l'évaporation devient un phénomène prédominant sur l'alimentation en eau. En fait je ne pense pas que, même avertis, ils aient pu y faire quelque chose..."
17 juillet 1966, le Ministre de la Culture de la RAU me fait visiter des fouilles récentes à Alexandrie.
Il est important de rappeler qu'au lendemain de la nationalisation du canal, aussi visionnaire qu'avait pu l'être en son temps son prédécesseur Chamberlain, Anthony Eden, Premier ministre britannique n'hésita pas à comparer Nasser à Mussolini et à Hitler ! Il se démena pour qu'une expédition militaire soit lancée contre le «Mussolini du Nil ». Une piteuse intervention militaire franco-anglaise fut décidée dès août 1956. On profita d'un contexte international favorable : les Etats-Unis étaient en pleine campagne électorale présidentielle, l'URSS en mauvaise passe avec la Hongrie. Un accord secret fut même passé avec Israël à Sèvres pour mettre au point le scénario.
C'est Israël qui déclencha le conflit le 29 octobre et dès le lendemain, le 30 octobre, les commandos franco-anglais passaient à l'action. Mais l'Union Soviétique réagit avec force alors que les États-Unis se tenaient à distance. Les troupes d'invasion se retirèrent sans gloire : " Les Français, excités par les Anglais avaient plongé droit dans le piège ! Pour eux j'étais l'ennemi. Le FLN était présent au Caire, je les aidais un peu sur le plan financier et puis Guy Mollet ne pensait qu'à soutenir Israël. Il s'est pris un moment pour Napoléon sans avoir bien lu l'Histoire. Encore un qui ne voyait pas plus loin que le bout de son nez. Ils se sont ligués contre moi et m'ont déclaré la guerre. Mais le vainqueur c'est moi et c'est, j'en suis très fier, les Nations Unies qui m'ont consacré vainqueur en ordonnant à la France, la Grande-Bretagne et Israël d'évacuer mon territoire. Ce fut aussi le succès du panarabisme car de ce jour les Arabes, notamment la rue, me considèrent comme le leader légitime de leurs aspirations".
Qu'il est triste que nos démocraties, depuis maintenant bien longtemps aient tant de mal à se doter de grands leaders qui auraient une vue réaliste et à long terme de la situation du monde.
Nasser, isolé peu à peu par le monde, voyait loin et souvent juste, à très long terme. Ses analyses se sont révélées pertinentes au fur et à mesure que l'Histoire tournait ses pages même si son régime comporte des zones d'ombre et de douleurs inacceptables.
Nasser est le symbole de l'incapacité des occidentaux à concevoir et mettre en oeuvre une politique adaptée au Moyen-Orient. Les événements d'Egypte sont prémonitoires de tout ce qui nous arrive encore aujourd'hui.
En effet, pas un seul instant les Etats occidentaux ne le prirent en considération respecteuse. Nasser perdit leurs faveurs et, conséquence inéluctable de cette stratégie imbécile, se jeta de plus en plus dans les bras soviétiques. Au moment où ces lignes sont écrites on a pu constater la même situation au Soudan avec la Chine. Ce pays a été précipité dans les bras de la Chine par les sanctions décrétées contre ce pays comme l'Egypte, à cette époque, a été poussée dans les bras de Moscou par le rejet de l'Occident.
Nasser, toute sa vie, a prôné un panarabisme neutre donc non aligné. 1956 et la capitulation des anciennes puissances coloniales ont fait de lui le chantre du nationalisme arabe, et des partis "nasséristes" virent le jour un peu partout qui vantaient l'unité du monde arabe. Nasser était incontestablement le chef de file, la référence, le "héros" de cette grande cause à travers laquelle on espérait retrouver dignité et influence.
Là encore, les réactions inappropriées de l'Occident sont à l'origine dès ce moment - nous n'en sommes pas encore sortis - d'une confrontation entre le monde arabe et l'Occident. Le nationalisme est devenu économique pour les Arabes comme il le deviendra au XXIème siècle pour l'Afrique noire. Les ressources naturelles appartiennent à ceux chez lesquels elles se trouvent. Elles doivent servir les intérêts des pays arabes et non ceux des multinationales de l'Occident, acteurs d'une nouvelle forme d'impérialisme.
Un point semblait l'obséder, l'échec de la fusion Egypte-Syrie : "Les Arabes n'étaient pas prêts et l'Egypte encore moins. Je n'aurais pas dû céder à cette pression, pourtant séduisante qui aboutit en 1958 à la fusion de l'Egypte avec la Syrie. Au début je n'y croyais pas vraiment mais certains ont su me convaincre. Les Syriens m'ont pris par les sentiments en me disant que j'étais le seul à pouvoir les sauver. J'ai alors pensé un moment que je pourrais réaliser mon rêve de fédérer le monde arabe tout en luttant contre le communisme mais je n'en avais pas les moyens. La faiblesse de notre Economie face aux exigences d'un tel projet, mon désir de créer un État fortement centralisé qui me paraissait le seul moyen de répondre à tous les défis, notamment la bureaucratie et la corruption, de dépolitiser l'armée syrienne, d'instaurer un régime de parti unique comme en Égypte, tout cela ne fonctionna pas et nous coûta fort cher ! Et je dus me résoudre à constater que je n'avais pas les moyens de faire naître un nouvel espoir de changement et de modernisation. La République Arabe Unie ne durera que trois petites années même si, par superstition, j'ai décidé d'en conserver le nom pour mon pays".
Nasser mourra d'une crise cardiaque en septembre 1970. Son successeur, Anouar el-Sadate lira un discours "Nasser était un leader dont la mémoire demeurera immortelle au cœur de la nation arabe et de toute l'humanité"